Pour ce courrier du chœur , c’est Julia, choriste amateure, qui pose une question d’actualité : En pleine pandémie, impossible de chanter en salle, mais peut-on envisager des répétitions efficaces en extérieur ? Comment s’y prendre ?
Réponse de Mariannick Bond-Madiot, chanteuse lyrique, professeure de technique vocale et cheffe de chœur d’enfants et d’adolescents.
Il y a plusieurs réponses à cette question.
Sur le plan sanitaire, d’abord, car il est maintenant établi que le chant est une pratique particulièrement contaminante. C’est une bonne idée d’envisager de chanter en extérieur. Pour le moment, les rassemblements n’étant pas autorisés, ce n’est pas possible, mais nous avons des chances pour que cela le soit cet été. C’est donc le bon moment pour se poser la question.
Garder son masque pour chanter
Les scientifiques qui se sont penchés sur ce problème sont unanimes : même en extérieur, il faut garder le masque pour chanter et conserver une distance de deux mètres devant soi et un mètre cinquante sur les côtés. En outre, faire, avant la répétition, un test salivaire ou antigénique (dont on obtient le résultat en un quart d’heure) est une bonne chose. Dans le cas où l’on envisage un long temps ensemble (une résidence de répétition, un stage), il est souhaitable de créer une « bulle sociale ». Cela signifie que les participants s’astreignent à n’avoir rencontré personne pendant les cinq jours précédant le début et à faire un test avant. Idéalement, le chœur reste ensuite en vase clos.
Choisir le bon endroit
Etre en extérieur, porter un masque et rester à distance, tout cela va avoir des effets sur l’écoute. D’une part, sur le principe, lorsque l’on est dehors, les sons qui nous parviennent ne sont pas les mêmes qu’en intérieur. En rajoutant le masque et la distance, il y a encore plus de perturbations. Il va donc falloir s’y adapter.
Avant tout, il faut choisir l’endroit judicieusement et, en fonction de la configuration des lieux, placer le chœur dos à un mur, ou à une haie, dans un vallon… bref, dans un endroit qui permet un peu de réverbération. A l’inverse, le plus difficile serait de chanter sur un terrain plat et complètement découvert. Songez aux chanteurs qui se produisent aux chorégies d’Orange. Ils chantent certes en extérieur mais dans un lieu prévu pour cela : un théâtre, avec un mur dans leur dos.
Se refaire des repères
Sur le plan individuel, le son part dans tous les sens et le chanteur n’a plus ses points de repère. Lorsque vous chantez, vous vous entendez à la fois de l’extérieur et de l’intérieur. En étant dehors, l’écoute de « l’extérieur » est plus faible, il y a un déséquilibre par rapport à d’habitude . C’est comme de faire du vélo sans les roulettes ! Il faut donc arriver à retrouver ses repères et/ou à s’en constituer d’autres.
Finalement, chacun se trouve dans une situation qui ressemble à ce que vivent les chanteurs traditionnels dans certaines régions. En Corse ou au Pays basque, il est fréquent de chanter en extérieur, pendant des fêtes, par exemple. Et nous avons tous en tête l’image de ces chanteurs qui mettent une main derrière leur oreille pour mieux s’entendre eux-même. C’est un geste que vous pouvez utiliser, en ajoutant éventuellement une main devant votre bouche pour encore plus d’efficacité.
Ne pas chanter plus fort
Il faut absolument résister à la tentation de chanter plus fort ou de projeter le son, sous peine de fatiguer ou de blesser ses cordes vocales. Le but, en extérieur, n’est en effet pas d’émettre beaucoup de son (sinon on prend une cornemuse !). Et d’ailleurs, les essais ont montré qu’il n’y avait pas de déperdition de décibels avec un masque. C’est plutôt la compréhension qui en souffre. Il faut donc être plus attentif à la formation des consonnes (voir courrier du chœur du n°11).
Une méthode très efficace consiste à être attentif à ses sensations, et surtout, chercher à retrouver celles que vous avez d’habitude, dans cette situation inédite. Garder un bon ancrage, une bonne verticalité, être à l’écoute des sensations provoquées par le souffle, le travail du larynx, de la langue et des lèvres.
Pour finir, chanter dehors signifie faire avec les aléas climatiques. En particulier, s’il fait chaud ou s’il y a du vent, il est indispensable de veiller à bien s’hydrater, encore plus que d’ordinaire.